Démarche artistique
Karine N’guyen Van Tham a toujours conçu ses œuvres textiles comme des objets d’héritages et de transmission.
Cette vision est née de souvenirs d’enfance ; Où elle voit les soins accordés aux vêtements de ceux qui furent aimés.
De ceux qui les ont quittés.
Elle se souvient de cet objet qui entend les vivants parler, reçoit les caresses et les larmes versées.
Elle se souvient de cette difficulté à s’en séparer et de ceux, impossibles de déplacer.
Karine a compris, très jeune, le pouvoir de trait d’union de cet élément, indissociable de l'Homme, qui devient une prolongation de l'être.
Elle voit dans l’objet textile une relique empreinte du vivant, d’odeurs, de postures et d'émotions.
Vestige d’un autre temps, seul témoin d’un passé oublié, d’un fragment de vie tombé dans l’oubli.
Un fragment de vie qu’elle s’attache à raconter à travers un dialogue subtil entre l'émotion et la matière que l'artiste entretient et qui se matérialise entre ses mains ; Karine ressent, écrit, tisse, plonge ses mains dans les couleurs végétales, brode, use, sculpte et met en forme.
Marquée par cet objet de lien, nécessaire à la mémoire des siens, elle n’a de cesse que de créer ces "supports d’âmes" à investir, à côtoyer ou à ne jamais quitter.
Et c’est à travers eux qu’elle interroge les émotions des vivants face à la perte et à l’inéluctable, mais aussi, face à la découverte parfois bouleversante d'éclats de vies marqués par l’Histoire ou le tumulte de la vie elle-même.
Karine tisse des liens entre Passé et Présent et met en lumière notre propre relation à l'Histoire, au temps et à leur caractère d'impermanence.
Elle aborde cette relation à travers le prisme de la poésie ; un monde, un langage fragile, qui nous offre un autre angle, d'autres perspectives sur des sujets qui lui sont chers tels que le deuil, la mémoire, la solitude.
Sa poésie lève le voile avec pudeur sur ces thèmes inhérents à l'histoire de l'Homme dans toute sa beauté comme dans sa difficulté. Et dans cette intimité révélée à l'autre, elle livre un espace commun d'apaisement qui invite à la contemplation et au recueillement car sans nul doute, " La poésie crée un monde habitable avec autrui et pour autrui." Stéphane Mallarmé.
Au fil de son parcours créatif, la vision de Karine pour l’objet textile s’est élargie. Aujourd’hui, elle voit plus loin que le rapport entre l’Homme et le textile.
Elle voit plus grand et aborde cet élément comme devenant un « objet frontière », à la lisière entre deux mondes, en lien constant entre l’Homme et son environnement.
Un environnement qui laisse des traces et que l’objet textile absorbe au même titre que nos postures et émotions.
Karine part alors à la conquête de nouveaux territoires, du territoire en lui-même et se met à questionner, faire dialoguer les rapports qui existent entre l’Homme, son environnement et l’objet textile.
Ce lien profond, tissé entre ces trois essences, Karine aime l’explorer et le faire vivre à travers l’installation de ses œuvres dans leur milieu naturel pour les voir se modifier, dialoguer, s’imprégner des éléments ou tout simplement y raconter leurs histoires.
Elle va, avec subtilité jouer entre Présence et Absence au sein de ses installations ou de l’objet textile en lui-même ; là où l’Homme n’apparaît physiquement jamais, là où l’environnement se meut sans cesse, ce sont leurs traces, figées dans la matière, qui parlent pour eux.
L'objet textile est au centre d'un questionnement toujours en mouvement : Comment évolue-t-il, se modifie-t-il sous l'influence de l'Homme, du paysage ? Comment s'influencent-ils ? Et si elle prête une conscience à cet "Objet frontière", que pourrait-il alors nous raconter ? Quelle vision, quel monde aurait-il à nous offrir ?
L'artiste œuvre à raconter les Hommes, faire parler le paysage et prête une conscience poétique à la matière.
Elle ressent chaque œuvre comme Vivante et intrinsèquement liée à un tout ; passant sans cesse d’un microcosme à un macrocosme, ses œuvres singulières, qui nous racontent un fragment d’Histoire, résonnent au plus profond de chacun d’entre-nous. Car finalement, au sein de chaque œuvre, ne serait-ce pas une infime part de l’Humanité qui jaillit ?
L'Atelier
La dimension sacrée de ses œuvres prend racine dans son atelier où la notion de temps se perd et disparaît. Où les techniques artisanales et personnelles lui permettent de conscientiser profondément le fragment de vie à révéler : Écriture à la plume, tissages des textiles et rubans sur métiers à tisser, teintures végétales, cuves indigo, coutures à la main, broderies d'écailles de pommes de pin, piquage des laines, sculpture à l’aiguille et usures au rythme des saisons. Autant de techniques que de langages que Karine développe au sein de ses œuvres, dans son environnement breton.